Au Conseil européen, 344 milliards pour l’agriculture en 2021-2027

Le budget européen sera doté d'un plan de relance novateur de 750 milliards d’euros. Pour l’agriculture, l'enveloppe est préservée en euros courants mais baisse en valeur réelle à 344 milliards d’euros de 2018 sur sept ans.

Ce 21 juillet, après 4 jours de négociations marathon, les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept, sous l’impulsion de la présidence allemande de l’UE, sont parvenus à un accord sur le budget de l’UE pour les 7 années à venir (2021-2027). Exprimé en euros de 2018, le budget ordinaire total (cadre financier pluriannuel ou CFP) se monte à 1074 milliards de crédits d’engagement, auxquels est adossé un plan de relance post-Covid de 750 milliards.

Un fonds de relance temporaire de 750 milliards

Par cet accord, la Commission européenne est dorénavant habilitée à emprunter 750 milliards d’euros sur les marchés financier sous forme d’obligations européennes pour financer le plan de relance destiné à relancer l’économie européenne affectée par la crise sanitaire du Covid-19.

La répartition des 750 milliards d’euros (Mds€) est différente de la proposition initiale franco-allemande reprise par la Commission européenne à l’ouverture du Conseil. Ce ne sont pas 500 Mds€ de subventions et 250 Mds€ de prêts qui seront accordés aux Etats membres mais, sous l’influence des 4 pays « frugaux » (Pays-Bas, Autriche, Suède et Danemark), respectivement 390 et 360 Mds€.

La clé de répartition des 390 Mds€ de subventions dépendra de la perte de PIB de chaque Etat membre au cours de l'année 2020 et de la perte cumulée de PIB réel observée au cours de la période 2020-2021, qui seront chiffrées au plus tard le 30 juin 2022. Les Etats membres du sud de l’Europe, les plus affectés par la crise, et notamment l'Espagne, l'Italie et la France, seront ainsi les principaux bénéficiaires du fonds de relance.

La Commission européenne aura 37 années (jusqu’à 2058 !) pour rembourser les prêts souscrits sur les marchés financiers, ceci aussi bien au moyen de contributions supplémentaires demandées aux Etats membres (qui pourront temporairement être relevées de 1,2% à 1,8 % de leur revenu national brut annuel) qu’en dotant l'Europe de nouvelles ressources propres décidées (taxe sur les déchets de plastique non recyclés en vigueur le 01.01.2021) ou encore à définir: ajustement carbone aux frontières, taxe sur les entreprises du numérique, taxe sur les transactions financières.

Budget PAC : une hausse qui masque une baisse

Le budget agricole européen, quant à lui, sera doté de 344 milliards d’euros de 2018 dont 336,5 milliards sur le budget ordinaire (CFP) et seulement 7,5 milliards provenant du plan de relance. Ce montant est en hausse par rapport aux propositions initiales de la Commission européenne de juin 2018. Mais, si l’on les compare au cadre financier actuel (2014-2020 hors versements au Royaume-Uni), ces 344 milliards représentent une baisse en valeur réelle. Cette baisse est de -10% (ou -11% d’après le Parlement européen).

Pour la France, selon le Ministère de l’agriculture, l’enveloppe des soutiens des deux piliers (hors budgets vitivinicole et apiculture) est stable en euros courants à 62,4 milliards sur 7 ans au lieu de 62 milliards actuellement, ce qui, compte tenu de l'inflation probable, signifie une baisse en valeur réelle.

Les aides directes du premier pilier perdent un milliard sur 7 ans par rapport à 2014-2020, de 52 à 51 milliards d'euros courants, à cause de la poursuite de la convergence externe, c’est-à-dire le rapprochement entre pays européens des moyennes nationales d’aides directes par hectare. En sens inverse, le financement européen du développement rural gagne 1,4 milliard (sur 7 ans) de 10 à 11,4 milliards, à cause à la fois d’un léger rééquilibrage du budget européen en faveur du développement rural et d’une « rallonge » spécifique obtenue par les autorités françaises pendant la négociation du 21 juillet.

PAC : d’autres décisions importantes

Passées relativement inaperçues dans les médias, d’autres décisions prises par les chefs d’Etat le 21 juillet auront des répercussions importantes sur la future PAC :

  • Il n’y aura pas de clause de révision financière à mi-parcours, ce qui améliore la visibilité sur 7 ans;
  • Le plafonnement des aides à l’exploitation ne sera pas obligatoire, alors que cette obligation était initialement proposée par la Commission. Le paiement redistributif, en tant qu’alternative au plafonnement obligatoire dans la PAC actuelle, pourrait donc perdre cette justification ;
  • La réserve agricole de crise (plafonnée à 450 M€ donc toujours aussi peu crédible qu’aujourd’hui) sera alimentée en 2021 par le report de celle de 2020, et les années suivantes par le reliquat de l’année précédente, les apurements et les marges sous plafond de la PAC, le prélèvement sur les aides n’intervenant qu’en dernier ressort ;
  • 40% des dépenses de la PAC dans chaque pays devront être liées à des objectifs climatiques, contre 30% pour l’ensemble des politiques européennes : l’agriculture est particulièrement ciblée, dans le droit-fil du Green deal ;
  • Les transferts du premier vers le second pilier sont "plafonnés" à … 42% du 1er pilier, dont 25% sans condition, 15% de plus pour les objectifs environnement/climat, et 2% de plus pour les jeunes agriculteurs ;
  • Les transferts du premier vers le second pilier, comme aujourd’hui, ne nécessitent pas de cofinancement national dans le second pilier.
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