Les céréales, un secteur stratégique pour l'économie française

Philippe Pinta, Président de l'AGPB a diffusé une tribune sur LesEchos.fr cette semaine pour réaffirmer la force stratégique des céréales françaises. L'agriculture et les céréales françaises sont des sujets oubliés dans la campagne présidentielle. Remettons à l'honneur la fierté d'être producteur du vivant. "Des Hommes pour nourrir les hommes"

La tribune a par ailleurs été reprise dans l’Edition papier du 27 avril dans la rubrique Opinions, synthétisée sous 3 angles : Concurrence accrue, Trop de normes, De la visibilité. Une belle performance lorsqu'on connait l'impact des Echos :environ 500 000 personnes lisent chaque jour les Echos papier et le site web les échos.fr enregistre chaque jour plus de 4 millions de visiteurs uniques.

"Chaque année, une tonne sur deux de blé produite en France est exportée vers le sud de la Méditerranée et les pays tiers. Cela génère 9,1 milliards d’euros d’excédent commercial pour la France, soit l’équivalent de 100 Airbus A320. Le secteur, du champ à l’assiette, représente 450 000 emplois non délocalisables. Dans le contexte économique actuel, ces chiffres clés de la filière céréalière font bonne figure.

Si l’agriculture française peut afficher cette performance, c’est parce que sa filière céréalière, 5ème producteur mondial, a investi, innové et construit des infrastructures et des instruments pour répondre aux défis de production et de commercialisation sur les marchés intérieurs et extérieurs. Elle assure une disponibilité des céréales tout au long de l’année grâce à une logistique performante et propose une production adaptée aux exigences des industries de transformation française, européenne et des pays tiers acheteurs. Fort de ces atouts, la France est le partenaire historique de pays comme l’Algérie, l’Egypte, le Maroc. L’origine française reste la préférée sur ces marchés stratégiques. Mais jusqu’à quand ?

Le secteur céréalier français doit faire face à une concurrence mondiale accrue. Les pays de l’Europe de l’Est, Ukraine, Russie et Roumanie,  sont ses premiers concurrents à l’export.  D’autres acteurs tels que les Etats baltes font leur apparition sur le marché. Le développement rapide de leurs structures, les conditions pédoclimatiques dont ils bénéficient et les progrès de leurs techniques de production leur permettent de proposer aujourd’hui des céréales à des niveaux extrêmement compétitifs. En moins de dix ans, les pays de la Mer Noire ont ainsi triplé leurs exportations.

Face à cette mondialisation du marché agricole, les céréaliers français doivent consolider et améliorer leur compétitivité et pour cela retrouver de la visibilité. Les céréaliers sont des chefs d’entreprises et, au même titre que tout entrepreneur, ils doivent être libres d’entreprendre pour maintenir leur activité professionnelle et la développer en bénéficiant des résultats de la recherche agronomique et en s’équipant des nouvelles technologies disponibles. Chaque céréalier doit pouvoir choisir, en fonction de son appréciation du risque, de son envie d’investir et de ses moyens, le système qui convient le mieux à sa production.

Pourtant, ces dernières années, en réponse à une demande sociétale certes légitime, mais bien souvent éloignée des réalités du monde agricole, les contraintes notamment environnementales se sont multipliées. La France, comme elle en a parfois coutume, a même cherché à être plus vertueuse que la réglementation européenne et que ses partenaires de l’Union. Inévitablement, cette sur-transposition et cette sur-réglementation inopportunes, sans même laisser le temps aux agriculteurs français de s’adapter et de se préparer, ont entrainé des distorsions de concurrence avec les différents compétiteurs européens.

Sur le plan économique, la spécificité du secteur céréalier est très peu prise en compte. Il convient de rappeler qu’en fonction des années, les aléas climatiques et la volatilité des marchés agricoles peuvent provoquer une baisse très importante du chiffre d’affaires de l’exploitation céréalière. En 2016, année noire pour les producteurs, la baisse a ainsi atteint jusqu’à 70 % du chiffre d’affaires de certaines entreprises. Quel autre secteur d’activité est susceptible de connaître de telle variation ?

Dans ce contexte, le prochain Gouvernement ne doit pas se tromper sur les décisions qu’il lui appartiendra de prendre. Une Politique Agricole Commune dotée d’un budget équivalent à l’actuel, un allègement des normes administratives, une fiscalité agricole stable et adaptée à ce nouveau contexte, la prise en compte des moyens de production, l’accès à l’innovation et la mise en place d’instruments de gestion des risques sont autant de conditions nécessaires pour redonner la visibilité indispensable à chaque producteur.

Les céréaliers français sont des chefs d’entreprise responsables. Il est urgent de leur faire confiance et de leur donner une liberté d’entreprendre à la hauteur des enjeux auxquels ils sont confrontés. Ce n’est qu’à ce prix que la filière céréalière française retrouvera sa compétitivité, que ce soit à l’échelle de l’exploitation avec un revenu décent pour le producteur ou à l’échelle d’un pays, afin de conserver son rang de 3ème exportateur mondial."

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