Glyphosate : le débat politique continue

Le glyphosate est une nouvelle fois cette semaine au cœur de la tourmente médiatique. Preuve en est que les environnementalistes de tous bords n’ont qu’un objectif en ligne de mire : la suppression pure et simple de la molécule. Le monde syndical s’est donc largement mobilisé sur le sujet et dans la majeure partie des départements.

Courrier aux préfets, visites d’exploitations pédagogiques pour les parlementaires, conférence de presse, débats publics, tribunes dans la presse, actions coup de poing, taggage des routes et mobilisation sur les Champs Elysées, intervention sur les ondes et les plateaux TV,  au-delà des « coups de com », c’est une véritable mobilisation qui appuie la pression que les organisations nationales comme l’AGPB mettent sur les pouvoirs publics.

Le Premier ministre en personne intervient dans l’hémicycle

De fait, nombreux sont les parlementaires qui se sont fait l’écho du sujet, à l’image de Lise Magnier, Députée « les Constructifs » de la Marne qui a interrogé le gouvernement dans l’Assemblée nationale. Une fois n’est pas coutume, et compte tenu de l’espace médiatique occupé par le sujet, c’est le Premier ministre en personne qui a répondu à la question de Lise Magnier, qui s’est exprimé en ces termes :

«L’agriculture représente un secteur économique à part entière, une agriculture raisonnée, qui a déjà fait de nombreuses concessions pour améliorer la qualité de sa production.  Non, les agriculteurs français ne sont pas des pollueurs des sols ! Ce sont avant tout des gens passionnés, qui se consacrent à nourrir le monde. Actuellement, aucune solution n’a été trouvée pour remplacer le glyphosate et en interdire l’utilisation. Cette interdiction aurait pour conséquence une perte de 976 M€/an pour notre agriculture. »

« Au-delà de la question de l’utilisation du glyphosate, il s’agit de savoir quelle agriculture nous voulons dans notre pays pour quelle alimentation. À force de rajouter normes et règlements à l’exercice du métier d’agriculteur, nous allons finir par conduire nos agriculteurs à leur perte, et notre approvisionnement alimentaire proviendra de pays beaucoup moins rigoureux que nous en matière de sécurité sanitaire. Beaucoup s’interrogent sur la cohérence du gouvernement à ce sujet. Pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, quel choix fera votre gouvernement la semaine prochaine ? Le choix de soutenir nos agriculteurs ou le choix de céder à des postures dogmatiques mettant en péril notre indépendance alimentaire ? »

Le Premier ministre Edouard Philippe lui a répondu de la sorte :

« La Commission européenne a proposé de renouveler l’autorisation du glyphosate pour une durée de 10 ans. Cette durée est trop longue et, compte tenu des incertitudes qui pèsent sur la nature de ce produit, nous avons indiqué que nous ne voterions pas la proposition de la Commission d’autoriser pour dix ans supplémentaires. S’agissant des usages agricoles, j’ai demandé à Nicolas Hulot ainsi qu’à Stéphane Travert de me proposer, à l’issue des #EGAlim, une stratégie de sortie du glyphosate. »

« Avant la fin de l’année, parce que nous voulons tenir compte des #EGAlim et nous voulons prendre en compte l’état de la recherche et des solutions alternatives éventuellement disponibles. Le Gouvernement arrêtera sa position lorsque la stratégie aura été présentée par les 2 ministres. Nous allons organiser une transition à la fois progressive et irréversible. Nous allons aussi voir comment nous pouvons adapter les pratiques agricoles là où c’est possible. Je réaffirme très clairement notre engagement d’obtenir, avant la fin du quinquennat, des progrès significatifs vers l’interdiction de l’usage des substances dangereuses et vers une agriculture moins dépendante aux pesticides. »

Travert et Hulot visés par de nombreuses questions écrites

Plusieurs députés ont interrogé les ministres, par le biais de questions écrites, comme :

Daniel Labaronne et Fabienne Colboc, La République en Marche d’Indre-et-Loire, qui a souhaité souligner les conséquences de l’interdiction probable pour les agriculteurs, céréaliers et viticulteurs. « Son arrêt radical engendrerait l'augmentation du tassement et de l'érosion des sols, la diminution de l'activité biologique et du taux de matière organique, ainsi qu'une augmentation de 30 % de la consommation de carburant. Sur le plan économique cela entraînerait pour les agriculteurs des besoins d'investissements supplémentaires en matériel et moyens humains. Cela représenterait des pertes de compétitivité conséquentes pour des exploitations dont bon nombre sont déjà en difficulté. ».

Bruno Duvergé, du MODEM - Pas-de-Calais a interpellé Nicolas Hulot : « Le retrait pur et simple de cet herbicide pourrait ainsi occasionner une perte d'un milliard d'euros par an pour le monde agricole. »

Jean-Pierre Vigier, Les Républicains - Haute-Loire a attiré l'attention de Stéphane Travert sur les fortes inquiétudes de la filière agricole. « Supprimer l’usage du glyphosate sans alternative satisfaisante à ce jour aurait des conséquences lourdes : augmentation des coûts de production, baisse des rendements générant une perte de rentabilité pour bon nombre d'exploitations agricoles, ce qui n'est pas envisageable après une année 2016 catastrophique. Par ailleurs, à ces pertes, s'ajouteraient des effets non chiffrables mais tout aussi dommageables telles que la dégradation du bilan carbone des exploitations, l'accélération de l'érosion des sols, liées au désherbage mécanique et l'utilisation répétitive d'autres désherbants chimiques moins performants.

D’autres députés sont intervenus sur le sujet au niveau national comme Patrice Perrot, La République en Marche – Nièvre, Béatrice Descamps, Les Constructifs, Nord ou bien encore Grégory Besson-Moreau, La République en Marche - Aube.

Stéphane Travert devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale

Les dernières déclarations du ministre Stéphane Travert lors de son audition par les députés de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée, bien que peu claires, ne sont pas rassurantes pour autant. Voici ses réponses aux questions des députés Laure de la Raudière, Les constructifs d’Eure et Loire et Jean Charles Taugourdeau, Les Républicains – Maine et Loire  :

« La position de la France ne changera pas : c’est non à la ré-homologation. Mais pour autant c’est une réalité qu’il n’existe pas de produit de substitution. Nous sommes face à des impasses techniques. Pour cela, le Premier ministre nous a missionné avec N Hulot  pour définir un calendrier de sortie progressive et durable des pesticides.

Je suis conscient des gros efforts qui ont été faits par les agriculteurs mais il faut aller plus loin tout en prenant le temps d’accompagner la transition. Il est hors de question de mettre les agriculteurs dans la difficulté mais l’objectif est bien d’en sortir. »

Même si les réponses apportées par le gouvernement ne sont pas de nature à apaiser le débat avec le monde agricole, vous noterez  l’engagement de certains de vos députés à la défense d’un secteur encore essentiel pour beaucoup de territoire ruraux français.

randomness