Future PAC : des avancees mais un signal de décroissance inquietant

Le Conseil et le Parlement européens sont enfin parvenus à un accord sur les grandes orientations de la future PAC. Si de nombreux arbitrages peuvent rassurer, certains aspects de la conditionnalité restent à préciser et la mise en place de surfaces non productives suscite de l’inquiétude.

Après 6 mois de discussions en « trilogue », les colégislateurs, le Parlement et le Conseil des ministres européens, ont enfin trouvé un accord vendredi 25 juin sur les points essentiels des trois règlements de base de la future politique agricole commune.

Des avancées majeures

Rappelons d’abord que budget européen de la PAC est connu depuis un an. Pour la France le total est quasiment constant en valeur courante à 8,92 milliards d’euros par an, les paiements directs baissant de -2% à 7,29 milliards tandis que le développement rural est en hausse de 14% à 1,63 milliards.

En revanche, sur l’utilisation des fonds, le projet de réforme initial, tel qu’il avait été publié le 1er juin 2018, était annonciateur d’une double rupture : une PAC moins économique et plus orientée sur l’environnement et le social d’une part, et une large renationalisation de la PAC d’autre part, avec une liberté presque illimitée de distribution par les Etats membres du budget d’aides qui leur est alloué, en fonction des régions, des secteurs de production et des objectifs.

Par rapport à la proposition initiale, on peut d’abord constater que l’accord de vendredi freine un peu cette subsidiarité, sous l’impulsion du Parlement européen soucieux de garder un socle commun pour limiter les distorsions entre Etats membres.

C’est ainsi que le « nouveau modèle de mise en œuvre » prôné par la Commission, basé uniquement sur des objectifs de performance, laissera finalement place à un système hybride où persisteront des contrôles de conformité pour les Etats membres et où les sanctions resteront communes pour les agriculteurs ne respectant pas la conditionnalité (taux de contrôle, grille de pénalités).

Par ailleurs, certains types de paiements à objectif environnemental ou social seront dotés d’un budget minimal à respecter dans tous les Etats membres (éco-régimes : 25% du budget total des aides directes ; paiement redistributif : 10% ; aide aux jeunes agriculteurs : 3%). D’autres dispositifs sont au contraire plafonnés, mais, à la demande du Conseil, à un niveau très peu contraignant comme les aides couplées (15%) ou les transferts vers le second pilier (42%).

Des positions politiques préoccupantes

Sur la réaffirmation des objectifs économiques de la PAC, force est de constater l’échec du monde agricole à faire entendre sa voix. Alors que le Parlement proposait l’introduction novatrice d’un effort minimal consacré à l’économie dans le second pilier, dont 30% au moins réservés aux investissements, à la gestion des risques, la coopération et l’information, avec l’objectif d'une agriculture « intelligente, résiliente et diversifiée », cette initiative n’a pas été retenue dans le compromis final.

On peut également relever une victoire politique de la Commission européenne, qui cherchait depuis un an à inscrire dans la PAC les objectifs contenus dans ses propositions de stratégies « Farm to Fork » et « Biodiversité » et conduisant à une baisse de production, alors que les législateurs n’ont nullement validé ces objectifs. La Commission a obtenu de pouvoir évaluer en 2020 les PSN en fonction de leur « cohérence et contribution » par rapport à ces objectifs, et les Etats membres se verront obligés de mettre à jour leurs PSN dès que la future législation Farm to Fork/Biodiversité sera adoptée.

Conditionnalité : questions sans réponses et signal de décroissance inquiétant

La nouvelle PAC sera mise en œuvre le 1er janvier 2023, et pour les producteurs de grandes cultures, un de ses aspects les plus impactants sera la nouvelle conditionnalité des aides. Les producteurs avaient demandé que ses contraintes n’aillent pas au-delà de l’actuel verdissement. Si, grâce à l’appui du Conseil et singulièrement de la France, nous avons été largement entendus, deux des normes de « bonnes pratiques agricoles et environnementales » (BCAE) appellent à la plus grande vigilance.

La « BCAE 8 : Rotation des cultures en terres arables » imposera sur chaque parcelle un changement de culture au moins une fois par an, en tenant compte des cultures intermédiaires, avec une dérogation prévue pour les cultures pluriannuelles et fourragères et les jachères. L’accord précise que les Etats membres pourront également autoriser la diversification des cultures. Notre demande sur ce point a bien été entendue. Si cette alternative paraît adaptée aux situations ou la même culture principale est répétée deux fois et où l’implantation d’une culture intermédiaire s’avère difficile ou impossible, la définition précise de la « diversification des cultures » est absente de l’accord et sera sans doute du ressort de la Commission européenne. Rien n’est encore clarifié à ce sujet.

Enfin, la « BCAE 9 : Part minimale de la surface arable consacrée à des surfaces ou éléments non productifs » imposera une nouvelle contrainte de non-production dans chaque exploitation, avec deux options au choix pour chaque producteur de grandes cultures :

Option A : 4% de surfaces et d’éléments non productifs, c’est-à-dire d’éléments topographiques, de bandes tampons et de jachères

Option B : 3% de surfaces et d’éléments non productifs, plus 4% consacrés soit à des cultures intermédiaires (avec un coefficient réducteur de 0,3), soit à des légumineuses (cultivées sans produits de protection des plantes).

Si l’option B risque d’être la moins défavorable dans le cas où l’implantation de cultures intermédiaires est possible sur plus de 13% de la surface arable et l’option B dans le cas contraire, cette nouvelle BCAE risque d’être globalement pénalisante pour les producteurs et de conduire à une jachère obligatoire donc à une baisse significative des surfaces productives et de la production agricole. L’AGPB dénonce donc ce signal inquiétant. Avant qu’on puisse en évaluer les conséquences, la Commission européenne aura sans doute à détailler les éléments topographiques à prendre en compte, et la vigilance s’impose.

randomness