Ecophyto 2, une irresponsabilité frappante !

Revenu céréalier 2015, plan de soutien annoncé en septembre par le 1er Ministre, Ecophyto 2: Philippe PINTA, président de l'AGPB, répond sur ces trois sujets à une interview que publient cette semaine  les journaux agricoles départementaux du groupe de presse agricole REUSSIR 

La commission des Comptes de l'Agriculture fera connaître le 15 décembre ses évaluations du revenu 2015. Pour les céréaliers, quelles sont vos propres estimations ?

Nos chiffres ne laissent pas de place au doute. Pour la troisième année consécutive, le revenu moyen en céréales et oléoprotéagineux sera nettement inférieur au revenu moyen toutes catégories d’exploitations, plus lourdement encore qu’en 2013 et 2014 puisqu’il avoisinera zéro. Déjà élevée depuis deux ans, la proportion d’exploitations en revenu négatif après cotisations MSA sera de l’ordre de 50 %. Et ce sont souvent les mêmes, année après année, qui sont dans cette situation.

Cette réalité-là ne sera probablement pas mise en relief, une nouvelle fois, par l'instance publique qu'est la Commission des Comptes, d'autant moins que maintenant, celle-ci ne publie plus de revenu par catégorie pour l'année qui s'achève. Nous, au contraire, nous nous appliquerons à faire savoir que la situation est difficile en céréales et que ça dure, à l'inverse de l'image d'Epinal plaquée sur notre activité.

Qu'en est-il, face à ces difficultés, des mesures de soutien du Plan Valls annoncées le 3 septembre ?

Un producteur de céréales en difficulté est aussi légitime qu'un éleveur en difficulté. Il mérite la même considération des Pouvoirs publics, voire davantage eu égard à leur choix de pénaliser les grandes cultures dans le cadre de la PAC 2014-2020.

Ce n'était pas évident le soir du 3 septembre, mais c'est acquis, tout agriculteur dans cette situation -donc tout céréalier- peut opter par dérogation en 2015 et en 2016 pour le paiement de ses cotisations MSA sur la base de l'année n-1.

En revanche, pour le report des annuités en fin de tableau -« l'année blanche »-, le ministère de l'Agriculture fait la sourde oreille. Ses propos et consignes en la matière ne visent que les éleveurs. Cette attitude est inacceptable. Il ne faut pas renoncer à présenter des dossiers devant les cellules départementales d'urgence. Tout refus éventuel de les examiner doit se voir opposer syndicalement qu'à situation identique, le traitement doit être identique, que toute ségrégation vis-à-vis des céréaliers est inconcevable. Si la porte ne veut pas s'ouvrir, il faudra passer par la fenêtre. C'est aussi une affaire de respect vis-à-vis de notre secteur.

J'ajouterai encore ceci : beaucoup d'exploitants seraient moins en difficulté aujourd'hui si depuis des années, les Pouvoirs publics avaient réellement voulu rendre opérationnel le mécanisme de lissage des revenus qu'est la Déduction pour Aléas, la DPA.

Le Premier Ministre s'est également engagé en ce sens le 3 septembre, à notre insistance, et l'Assemblée Nationale a voté le 1er décembre des aménagements du dispositif. Nous les expertisons et nous ferons tout d'ici la fin du débat parlementaire pour que le texte soit à la hauteur des problèmes que nous pose la volatilité de nos revenus.

Et sur Ecophyto 2, que dites-vous ?

Tel que continuent à le concevoir certains ministres en voulant précipiter les choses et imposer des objectifs et mesures irréalistes, Ecophyto 2, c'est de la politique politicienne ! 50% de baisse des phytos d'ici 2025 s'il n'y a pas de solution de remplacement, c'est de l'incantation, de la démagogie. Fi de nos aptitudes et contraintes, de l'équilibre de nos entreprises, du dynamisme de nos filières, de tout ce que notre secteur apporte au pays ! Autant de mépris ne peut que mener à l'impasse. C'est d'une irresponsabilité frappante.

Nous avons quant à nous des solutions à proposer qui méritent d'être étudiées, qui sont d'ailleurs mises en œuvre dans d'autres pays. Nous sommes évidemment prêts à en discuter. Cela suppose que la méthode change. Il faut absolument que se concrétisent les annonces du Premier ministre le 3 septembre sur le nouveau mode d'élaboration des normes, sur le différé de toute mesure nouvelle jusqu'en février et sur le coup d'arrêt à la sur-transposition des règles européennes. Il est crucial, avec la FNSEA, de s'arc-bouter là-dessus. Nous devons tous rester syndicalement mobilisés.