LES GRANDES CULTURES AU CONGRÈS FNSEA 2021 DE NIORT

Le 75ème Congrès FNSEA s’est déroulé à Niort du 21 au 23 septembre. Les associations spécialisées Grandes Cultures AGPB AGPM CGB et FOP ont répondu présentes. Lors des traditionnelles interventions du huis clos, Franck Sander, Président de la CGB a pris la parole en leur nom.

Ce congrès, si attendu, est marqué sans nul doute par une forte présence et un esprit de retrouvailles largement partagé par les congressistes. Prévu de longue date mais reporté plusieurs fois en raison de la pandémie, le 75ème Congrès de la FNSEA était organisé à Niort dans les Deux-Sèvres, par la FDSEA 79.

A l’occasion de la traditionnelle journée de débats à huis clos Franck Sander, Président de la CGB a pris la parole pour exprimer les sujets majeurs des grandes cultures en cette rentrée 2021.

« J’ai le plaisir aujourd’hui de parler pour l’ensemble de mes collègues des AS grandes cultures. Certains prendront ensuite la parole pour préciser mon propos dans le débat libre.

Tout d’abord je voudrais exprimer la fierté que j’ai d’appartenir à une profession et à un réseau qui, en ces temps de grandes difficultés sanitaires, a su faire face à ses responsabilités en matière alimentaire, de bioénergie ou même en termes de fournitures de produits sanitaires tels que le gel hydroalcoolique. Cet esprit qui nous a tous habité a donné du corps à cette notion de souveraineté alimentaire d’abord mais également énergétique ou encore sanitaire qui nous lie au reste de nos concitoyens et qui doit constituer le véritable socle de notre stratégie agricole et de réseau.

Depuis plusieurs années, les exploitations de grandes cultures sont confrontées à une grande morosité économique. 2020 fut une année difficile avec des récoltes touchées par des aléas climatiques majeurs et quelques drames sanitaires sans compter la réduction continue de surfaces de certaines cultures fautes de solutions techniques adaptées.

Malgré le gel du printemps dernier, les récoltes réalisées dans des conditions parfois difficiles avec les excès d’eau semblent correctes en volume et couplées à une conjoncture de prix plus porteuse laissent augurer un bol d’air économique pour nos entreprises en dépit de l’explosion des prix de l’azote.

Toutefois, cela ne doit pas masquer la menace globale de décroissance. Le pacte vert avec ses déclinaisons autour de la « stratégie de la ferme à la fourchette », de la « stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité » ou encore le paquet « ajustement à l’objectif 55 » pourraient altérer lourdement notre capacité à produire et à exporter détruisant de la valeur et l’emploi dans nos territoires. Pour des gains en termes d’émissions nettes de gaz à effet de serre ou même de biodiversité que plusieurs études remettent en cause. D’autant que ces objectifs de politique interne s’accompagnent d’une politique commerciale insuffisamment protectrice d’où le débat sain qui existe sur les clauses miroirs ou encore le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Arrêter de produire chez nous, c’est souvent favoriser l’importation d’une alimentation moins vertueuse.

C’est à cette aune que l’on doit reconsidérer notre stratégie collective autour d’un syndicalisme pleinement économique.

Notre travail sur les lois Egalim 1 et 2 qui vise à permettre des contractualisations qui fonctionnent mieux, valorisent nos productions et protègent nos rémunérations est essentiel. Toutefois pour nos filières grandes cultures dont une large partie dépend des marchés mondiaux et qui peuvent s’appuyer sur l’utilisation des marchés à termes les gains à en attendre restent limités.

Notre syndicalisme économique doit aller au-delà et amplifier son appui à un modèle d’agriculture compétitif et innovant. Certes les interdictions de produits phytosanitaires synonymes d’impasses techniques, comme ce fût le cas avec l’interdiction des néonicotinoïdes, doivent cesser définitivement. De même qu’une taxation punitive sur nos intrants, des droits antidumping sur nos engrais, la remise en cause des VTH, du Phosmet, de l’irrigation et d’un très grand nombre de nos facteurs de production est inconciliable avec la demande de contribution aux grands enjeux sociétaux et équilibres mondiaux. Le Contrat de Solutions que nous avons initié a permis de porter une trajectoire de progrès pour notre profession. Et c’est aussi dans une approche pragmatique que nous devons soutenir les engagements de nombreuses filières dans la certification environnementale.

Arc-boutons notre stratégie sur l’innovation. La stratégie annoncée par le Ministre d’un plan de soutien aux start up va dans la bonne direction. De la même manière que des plans de soutien pour soutenir des programmes de recherche publics-privés tels qu’on en connait à l’heure actuelle sur la jaunisse de la betterave portent en germe un engagement commun de tous pour faire émerger des solutions plus performantes. Si notre contribution financière est forte au travers de nos CVO et de nos Instituts Techniques, nous attendons de nos politiques européennes et nationales qu’elles soutiennent le formidable besoin d’innovation dans notre secteur.

Alors que nous nous orientons vers une année record en termes d’investissements, nous ne pouvons que constater l’ampleur des besoins. La transition des pratiques passera par du matériel plus performant et l’accompagnement de nos exploitants autour des enjeux de digitalisation et d’agriculture de précision. Le succès immédiat des derniers appels d’offres ouverts par FranceAgriMer appelle à leur renouvellement. C’est particulièrement le cas pour les protéines végétales et plus particulièrement les légumineuses dont la dynamique doit être soutenue par le plan de relance. 

Toutefois, point d’angélisme excessif non plus sur le volet machinisme, on observe depuis plusieurs années une envolée du coût du matériel qui pèse sur nos charges. Et je crois qu’il est du ressort de notre syndicalisme de s’organiser pour éviter toute sorte de dérapage.

En outre, il s’agit que nos semences et nos semenciers puissent bénéficier des technologies les plus avancées pour répondre à l’ensemble des enjeux de production, climatique ou sanitaire. Les règlementations européenne et nationale doivent donner accès aux nouvelles techniques génomiques indispensables pour accélérer l’innovation variétale déjà en développement rapide en dehors de l’Union européenne. Si les déclarations de notre Président et du ministre de l’Agriculture vont dans le bon sens, il nous faut en faire une priorité. La prochaine présidence de l’Union européenne doit être pleinement mobilisée sur ce sujet.

Naturellement, il s’agit que ce syndicalisme économique se projette également face aux enjeux du changement climatique.

Les discussions autour des différents chantiers ouverts par le Varenne de l’eau doivent nous permettre de prendre réellement la mesure de ce qu’induit le changement climatique pour notre agriculture et notre alimentation. On ne doit pas se lasser de dire qu’une politique ambitieuse de stockage de l’eau doit enfin être conduite en France. Notre pays est le 2nd de l’UE en matière de volume de précipitations reçues et on en stocke à peine 5 %. Faisons évoluer notre cadre législatif pour que la production agricole soit prioritaire dans l’usage de la ressource en eau. Et dans le cadre d’une gestion équilibrée de la ressource en eau, intégrons dans les SDAGE l'objectif de stockage de l'eau.

Concernant la gestion des risques, les dernières annonces du Président de la République sur les moyens mis à disposition vont dans le bon sens. Et il nous faut absolument transformer l’essai en 2022 quand le cadre législatif nous permettra de concrétiser les détails de ces propositions. Mais là aussi soyons vigilants avec une vision économique de ces outils : le cœur du dispositif doit être une assurance récolte performante qui ne doit son déploiement qu’à ses caractéristiques adaptées à nos secteurs. Et soyons encore plus clair : sans une franchise à 20 % en grandes cultures subventionnée à 70% les objectifs de déploiement ne seront pas tenus.

Au-delà du sujet de l’assurance récolte, je crois qu’il est important que notre syndicalisme embrasse plus clairement le sujet de la gestion des risques avec l’épargne de précaution qui doit être encouragée mais aussi la question des risques sanitaires. La réduction des solutions disponibles et la pression parasitaire croissante doivent nous conduire à poser les jalons d’une réflexion sur ce sujet.

Comment parler changement climatique, sans parler carbone. Et comment parler carbone sans dire que l’agriculture est une solution. C’était une promesse du 4 pour 1000 qui doit être pleinement soutenue. La méthode bas carbone vient d’être validée pour les Grandes Cultures, il nous reste à établir dans les meilleurs délais les bases commerciales pour permettre un meilleur retour aux agriculteurs. Nul doute que ce serait en rassemblant l’ensemble la profession dans une même structure.

Mais ce syndicalisme économique ne s’arrête pas à la porte de nos exploitations et doit s’intégrer à des stratégies de filière. Une voie forte doit être portée sur le volet bioénergie. Ce ne peut être sans nos biocarburants qui apportent une solution pragmatique dans les transports face au changement climatique. Pourtant peu de place leurs est laissée à la lecture du Green Deal, des annonces faites sur la fin des véhicules thermiques ou des paquets réglementaires sur la taxonomie et la finance durable.

Plus largement, le calendrier européen de ces prochains mois va devoir rester au cœur de notre agenda. Certes, il ne va pas falloir perdre de vue la déclinaison du Plan Stratégique national issu des arbitrages de la PAC qui ont eu lieu cet été. A ce titre nous devrons être vigilants sur les BCAE ou encore les écorégimes : la FNSEA a un rôle essentiel en lien avec les FRSEA pour maintenir une certaine cohérence entre les déclinaisons régionales, sans surtransposition française. Mais au-delà avec la Présidence Française de l’Union européenne à l’horizon en janvier prochain, il s’agira de rééquilibrer la position de la Commission pour permettre d’accomplir avec pragmatisme la transition environnementale tout en confortant la mission nourricière de l’Union européenne.

Vous l’avez compris, nous souhaitons porter les ambitions de la ferme France dans un esprit conquérant et innovant, contraire au repli sur soi. »

 

Seul le prononcé fait foi

 

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