Dans un contexte de profond décrochage de l’agriculture française et face à la pire récolte de blé depuis 40 ans, les céréaliers appellent Michel Barnier à un futur gouvernement d’action et de cohérence

Avec  11,1 millions de tonnes de moins par rapport à l’année précédente, la moisson 2024 de blé tendre est la pire depuis quarante ans. Pour les céréaliers français, c’est une déflagration dont l’amplitude et les conséquences désastreuses s’inscrivent également dans un décrochage bien plus profond et inquiétant pour la souveraineté alimentaire et l’influence géopolitique de la France. Face à cette double urgence, l’AGPB appelle Michel Barnier et son futur gouvernement à l’activation immédiate de Prêts Garantis par l’État (PGE), mais surtout à refonder totalement leur vision et leur action pour des politiques agricoles cohérentes.

 

Moisson 2024 : une année noire pour la filière céréalière déjà très fragilisée

C’est une véritable déflagration : « Personne ne soupçonne encore l’amplitude et les conséquences de cette récolte catastrophique pour tous les céréaliers, mais aussi à plus long terme pour notre pays ! » alerte Eric Thirouin, président de L’Association Générale des Producteurs de blé et autres céréales à paille (AGPB). Avec 25,98 millions de tonnes de blé tendre récoltées cet été, les céréaliers accusent le coup de la pire récolte depuis 40 ans : une chute de la production de 26 % par rapport à 2023 (35,08MT)

La perte de chiffre d’affaires global de cette moisson 2024 est actuellement estimée à plus de 3 Mds €, pour les céréaliers français, c’est la triple peine. Car à la chute vertigineuse des rendements en céréales à paille, s’ajoutent des cours au plus bas, eux-mêmes conjugués à une explosion des charges.  « Les résultats de ces récoltes ne font qu’amplifier encore plus l’effet ciseaux qui sape l’économie de nos exploitations depuis deux ans » rapelle Eric Thirouin en soulignant qu’après deux années de résultats négatif successifs, la trésorerie des céréaliers est désormais dans le rouge.

Alors que la période des semis se rapproche, la capacité d’investissement des céréaliers pour la prochaine campagne, est aujourd’hui compromise : « Il manque aujourd’hui entre 50 000 € et 100 000 par exploitation pour financer la prochaine campagne ! Doit-on renoncer à assurer notre souveraineté alimentaire ? » alerte le président des céréaliers de France.

 

Parmi les mesures d’urgences : activer les Prêts Garantis par l’État (PGE) !

« Pour les céréaliers, les aléas climatiques ne relèvent évidemment pas de la responsabilité des pouvoirs publics, mais celle-ci sera en revanche immense pour activer tous leviers possibles qui permettrons aux céréaliers de sortir la tête de l’eau et de surmonter cette crise » averti Eric Thirouin. Après sept semaines de gouvernement des affaire courantes, l’AGPB appelle ainsi à un « gouvernement des affaires urgentes » pour activer dans les plus brefs délais les Prêts Garantis par l’État (PGE), seul dispositif en mesure de faire passer le cap et débuter la nouvelle campagne en complément de la dizaine d’autres mesures défendues par l’AGPB.

 

Renouveler fondamentalement la vision des politiques agricoles

Mais pour les céréaliers français, l’urgence s’inscrit également dans le temps long avec une crise bien plus profonde et structurelle. Depuis 2015, les moyennes de rendements de blé tendre dévissent progressivement, les surfaces implantées dans l’Hexagone suivent la même et inquiétante tendance : plus d’un million d’hectares ont été perdus en 10 ans. 

Au-delà des événements conjoncturels, c’est avant tout l’explosion des contraintes imposées à leurs moyens de production qui sont aujourd’hui dénoncées par les agriculteurs et l’AGPB. Sur le terrain, les impasses techniques et agronomiques se multiplient sous le coup de réglementations, restrictions et interdictions successives. Les résultats du baromètre céréalier le confirment : Les impasses techniques et agronomiques liées aux réglementations arrivent en tête des préoccupations des céréaliers pour l’année à venir avec 48,6 % du panel.

 « Ce qui menace profondément notre agriculture aujourd’hui, ce n’est pas moins les aléas climatiques que l’incertitude et le manque de vision des politiques agricole mises en œuvre depuis trop longtemps. » déplore Eric Thirouin. Dans un marché devenu mondial, les céréaliers français ne jouent plus à armes égales avec les principaux pays producteurs et exportateurs de céréales à paille et en paient aujourd’hui le prix fort sur leur compétitivité.

« Rares sont les pays autosuffisants en céréales, plus rares encore, ceux qui peuvent exporter une partie de leurs récoltes vers d’autres pays. Doit-on se résigner à laisser sombrer une filière d’excellence qui contribue à la souveraineté alimentaire de notre pays et à son influence dans le concert des nations ? » interroge Eric Thirouin qui lance un appel à Michel Barnier nommé jeudi dernier à Matignon :

« Les céréaliers attendent du futur gouvernement, autant que des élus de la Nation, des actes forts : de la reconnaissance et  la préservation du potentiel économique, nourricier, géopolitique et sociétal de la filière céréalière. L’AGPB a travaillé sur des mesures en ce sens. Nous sommes prêts à les partager aux pouvoirs publics immédiatement. » conclut Eric Thirouin.

Alors que la France déplore depuis plusieurs années, l’ampleur et les conséquences de la désindustrialisation massive survenue ces dernières décennies, les céréaliers français ne peuvent se résoudre au fatalisme de suivre une perspective similaire. Ils appellent à un sursaut politique et citoyen pour reconstruire des politiques agricoles cohérentes avec les enjeux de ce siècle.

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